Prise de conscience

En 1948, Frédéric Back débarque à North Sydney, en Nouvelle-Écosse. Depuis plusieurs années déjà, le Canada l'intrigue. Ses lectures de jeunesse, les peintures de Clarence Gagnon, les soldats de la Libération et sa correspondance avec Ghylaine, une Québécoise, lui ont donné le goût de partir pour ce pays. Et puis, l'Europe d'après-guerre a besoin d'avantage de main-d'oeuvre que d'artistes. Il quitte alors une France surpeuplée aux campagnes domestiquées pour un pays qu'il imagine fait de grands espaces, habité d'animaux sauvages et couvert de forêts millénaires. Dans le train de North Sydney à Montréal, son admiration devant les paysages qui défilent se mêle cependant de déception. La nature est là, illimitée, mais le long du Saint-Laurent, ce fleuve magnifique et démesuré, l'agriculture a déjà déboisé chaque vallée jusqu'aux rives. Sur les hauteurs, la coupe du bois n'a laissé que des forêts de repousse. Frédéric Back voit qu'en Amérique aussi l'homme est déjà partout, transformant toujours plus vite le paysage avec son avide appétit de modernité.